Tous les paysans du
même domaine ne jouissaient pas, d'ailleurs, de la même situation.
Dans l'ensemble ils se divisaient en deux catégories, les
vilains et les serfs, entre lesquels il y avait beaucoup
de degrés intermédiaires.
Les vilains étaient les moins nombreux, mais les plus favorisés.
Ils pouvaient se marier à leur gré ; en justice, on acceptait
leur témoignage et les tribunaux devant lesquels ils étaient traduits
comprenaient des vilains comme eux ; à leur mort, leur tenure
passait régulièrement à leurs enfants ; surtout, ils avaient la
faculté de quitter, quand ils le voulaient, le domaine sur lequel
ils travaillaient, de déguerpir, comme on disait.
Les serfs, descendants d'anciens esclaves ou vilains réduits
à la misère qui avaient volontairement engagé leur personne à
un seigneur, formaient la majorité.
Ils étaient soumis à de nombreuses restrictions.
Il leur était interdit de se déplacer, car tout serf qui aurait
quitté le domaine aurait par cela même diminué le nombre des hommes
appartenant à son seigneur et, par conséquent, la richesse de
celui-ci.
S'ils tentaient de s'échapper, le maître avait contre eux le droit
de suite, de droit de les poursuivre et de les ramener.
Pour se marier librement en dehors de la seigneurie, ils devaient
payer une somme d'argent, le formariage (foris,
en dehors).
S'ils pouvaient par leur labeur gagner de l'argent, acquérir des
meubles, des animaux, des instruments de travail, ils ne pouvaient
en disposer entièrement : s'ils mouraient sans enfants, le seigneur
héritait d'eux au détriment des autres parents ; s'ils avaient
des enfants, il fallait que ceux-ci, pour recueillir la succession,
vécussent sur la même tenure ; sinon, les enfants devaient racheter
les biens du défunt en payant un droit de main morte.
D'autre part, le seigneur exigeait de chaque serf, homme ou femme,
une taxe spéciale, le chevage (ou capitation), qui
était comme le symbole du servage.
Si l'on ajoute enfin que les serfs n'avaient pas le droit de se
faire prêtre ou moines, que les tribunaux devant lesquels ils
comparaissaient ne pouvait comprendre de serfs et qui leur était
généralement interdit d'y déposer comme témoins, on voit que le
servage, tout en étant moins dur que l'esclavage antique, tenait
la majorité des paysans dans une situation fort pénible .
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