Philippe de
Valois et ses seigneurs, vivant sur le souvenir de leur
récente victoire de Cassel, se considéraient comme les premiers
guerriers de l'Europe. Mais, dans les dernières années,
Edouard Ier avait imposé à son peuple un gros effort militaire.
Les Français allaient apprendre à leur détriment que pour
le recrutement comme pour la composition, l'entraînement
et l'armement des troupes, ils s'étaient laissés devancer.
Le recrutement
En France tous les seigneurs devaient au roi, leur suzerain,
en vertu des obligations féodales, le service militaire,
service d'ost ; à son appel, ils devaient accourir,
amenant avec eux quelques compagnons levés sur leurs terres
; on les groupait en compagnies d'environ 50 hommes,
sous les ordres d'un capitaine.
A cela s'ajoutaient des contingents fournis par les villes,
milices urbaines, et des mercenaires étrangers,
génois, écossais, gallois, allemands.
Mais la levée de ces masses d'hommes se faisait un peu au
hasard, hâtivement ; on ne savait pas exactement à l'avance
de combien d'hommes on disposerait.
En Angleterre, au contraire, Edouard avait établi des règles
uniformes et simples : tous les hommes libres, de seize
à soixante ans, devaient servir à la guerre ; dès le temps
de paix, il avait fixé, pour chaque comté, le nombre de
recrues à fournir, en mettant à part les sujets les plus
vigoureux ; de cette façon, à la convocation royale, l'armée
se rassemblait en ordre, sans à-coup, avec des cadres tout
prêts.
Composition
En France, les nobles, qui formaient la grosse part du contingent,
ne voulaient servir qu'à cheval, si bien que les troupes
d'infanterie, les " gens de pieds ", se trouvaient
très réduites.
De plus, comme celles-ci ne comprenaient que des roturiers
ou des mercenaires étrangers, elles étaient méprisées par
les chevaliers, qui ne se gênaient pas, à l'occasion, pour
bousculer cette " piétaille ".
Il n'en était pas de même chez les Anglais. La place de
chacun y était fixée, non d'après son origine, mais d'après
sa situation de fortune. La cavalerie, à cause des dépenses
nécessitées par l'entretien d'une monture, était réservée
aux plus riches, quelle que fût leur naissance. De plus
elle était bien moins nombreuse que l'infanterie, qui atteignait
jusqu'aux quatre cinquième des effectifs totaux.
Entre cavaliers et fantassins ne se dressait aucune barrière
de caste : tous les combattants, mêlés les uns aux autres,
sans acception de classe, vivaient dans une étroite union.
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Chevaliers français
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Entraînement
Les seigneurs français ne cédaient à personne en bravoure
; mais ils ne voyaient dans le combat que l'occasion de
brillantes prouesses individuelles, renouvelées des tournois,
et ne cherchaient qu'à se précipiter aux premières places,
sans aucun souci de discipline, pour frapper de beaux coups
d'épées ; ils ne savaient combattre qu'à cheval.
Les Anglais, eux, pratiquaient une discipline rigide et
ils avaient l'expérience du combat à pied.
Armement
Si les cavaliers, dans les deux camps, portaient sensiblement
les mêmes armes, épée et lance, s'ils se couvraient du même
haubert de maille de fer, s'ils se coiffaient du même heaume,
il n'en était pas de même pour l'infanterie, où les coutiliers
et les archers anglais détenaient nettement la supériorité
sur les arbalétriers français.
Les coutiliers,
choisis parmi les plus robustes, maniaient une sorte de
long couteau effilé, emmanché sur un bâton de bois, qu'ils
essayaient d'introduire dans les interstices de l'armure
et qui faisaient des blessures graves.
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Coutiliers anglais
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Les archers
portaient le "longbow" un long arc de bois
d'if, solide et léger, lançant des flèches à une distance
de quatre cent mètres.
Comme le tir à l'arc était en Angleterre un sport national,
que les enfants étaient tenus à le pratiquer très jeunes,
et que les rois avaient obligé les adultes à s'y exercer
tous les dimanches, ils visaient très rapidement et touchaient
droit au but.
L'arbalète, au contraire, était un arc compliqué,
monté sur un fût, qu'on tendait par tout un jeu de levier
et avec lequel on décochait des carreaux. Elle passait pour
être plus précise que l'arc ordinaire. Mais elle pesait
lourd ; ses leviers étaient d'un maniement délicat et se
faussaient souvent ; surtout il fallait beaucoup de temps
pour la tendre et elle n'envoyait qu'un seul carreau pendant
que l'arc décochait trois flèches. Ainsi ses inconvénients
dépassaient largement ses avantages.
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Entrainement au tir à l'arc en Angleterre
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Si l'on ajoute
que les Anglais se servirent plus volontiers, au début,
des premières armes à feu, canons ou bombardes,
qui faisaient alors leur apparition, on voit que leur armée
présentait déjà les caractères d'une armée moderne, tandis
que celle du roi De France restait, dans l'ensemble, une
cohue féodale.
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Canon
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Bombarde |
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